Mots

Ce cadavre est exquis...

Lundi 25 juillet 2011 à 18:10

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Mon résumé : "Intérieur sans meubles. Lumière grisâtre." Beckett pose le décor et annonce la pièce par ces cinq petits mots apparemment anodins. 4 personnages, fonctionnant par paire, structurent la pièce : Hamm, tyran aveugle et paraplégique, Clov, jambes de Hamm, Nagg, père de Hamm, et Nell, sa femme, tous deux étant cul-de-jatte. Les parents vivent dans des poubelles : on rejette la maternité (Nell meurt dans l'indifférence générale) et tout ce qui est capable de procréer. "Maudit fornicateur !" lance Hamm à Nagg, la vie est une souffrance (il n'y a qu'à voir les corps des personnages), il faut l'éliminer. Ainsi, Clov se verse de la poudre insecticide dans son pantalon, pour éliminer une puce (trace de vie) et son organe sexuel. Les personnages veulent finir mais ne finissent jamais. "Quelque chose suit son cours." oui mais quoi ? Les "Un temps." envahissent petit à petit la pièce, signe que quelque chose "avance". Mais vers quoi ? La mort ? La fin semble juste être le recommencement. Les personnage jouent, se mettent en scène, Clov, ouvre une deuxième fois les rideaux, Hamm, en véritable cabotin, récite son "roman" adoptant plusieurs "voix". "Cessons de jouer !" supplie Clov, "Jamais !" lui répond à Hamm. La pièce semble être condamnée à ne jamais se finir, pourtant la fin approche et se fait de plus en plus pressante.

Mon avis : Lu dans le cadre du cours de Littérature, 2ème lecture de l'année.
Ce n'est pas évident de donner un avis sur une telle pièce. Beckett est si intense et dérisoire. J'aime et je n'aime pas.
Les pièces absurdes, en général, j'aime beaucoup. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, à la lecture du résumé ou à la vue de la tête de Beckett (ici), FDP est une pièce drôle. Beckett mélange absurde, comique, tragique avec brio. D'ailleurs, ces registres se confondent totalement : ainsi Nell dit "Rien n'est plus drôle que le malheur. C'est la chose la plus comique au monde". Les registres s'interpénètrent pour n'en former qu'un, le registre beckettien. Alors même que les personnages sont handicapés, cruels, il m'est arrivé de sourire pour une réplique inattendue ou une situation étrange.
Le théâtre beckettien est cependant très "intellectuel" (mot à prendre avec des pincettes). Beckett, malgré un manque de sens assumé, critique, par exemple, la figure du romancier à travers "le roman" de Hamm. Il se joue des codes théâtraux et invente un nouveau théâtre. On a souvent entendu dire que Beckett est un théâtre de l'absurde, certes, quand on lit Beckett, on a l'impression de ne pas trop "saisir" ce qui se passe. Cependant, l'absurde désigne plus un mouvement littéraire d'idées (Sartre, Camus...), ce que refuse véhémentement Beckett. Il serait plus juste de parler d'anti-théâtre, non seulement parce qu'il se refuse de respecter les règles du théâtre dit classique (comme dit plus haut), mais aussi parce qu'il met le théâtre à nu, le minimalise... pour retourner à son essence même ! Finalement, du Beckett serait bien plus théâtral que du Molière ou du Racine ! Le théâtre est à la fois la forme et le fond de sa pièce puisque même les personnages, et surtout Hamm, se prennent pour des acteurs. Cette métathéâtralité (quand le théâtre parle du théâtre, une sorte de mise en abyme si vous préférez) renforce l'importance de la théâtralité dans l'anti-théâtre beckettien.
Conclusion : Une pièce qui est accessible à tout le monde, car supposée "sans sens" (donc tout le monde part du même point, normalement). Il faut se laisser porter par la prose poétique (ou poésie prosaïque ?) de Beckett, le texte est écrit dans un vocabulaire simple, sans fioritures (encore une fois le désir de Beckett de minimaliser). Néanmoins, l'oeuvre peut vous passer à côté si vous ne possédez pas quelques clés (j'en ai donné quelques unes dans le résumé et dans mon avis) essentiels à la compréhension de l'histoire, ou plutôt des histoires (vous comprendrez bien assez tôt !). J'ai conscience que ce que je dis n'est pas très clair, mais lisez-le et vous verrez : ce n'est pas si facile d'en parler clairement. : )
Une citation de Charles Dantzig qui me semble résumer le personnage qu'est Beckett : "Beckett est un faux maigre. Il est drôle, habile, lourd. Parfois rabâcheur, gâtant certains passages, ceux où il a dû se trouver le plus drôle. Cet austère n’est pas dépourvu de complaisance. Il a des moments de sous-écrit surécrits, mais l’ironie le sauve de l’affectation."
Ma note : 15/20.

Morceau choisi : La question du sens
Hamm : On n'est pas en train de... de... signifier quelques chose ?
Clov : Signifier ? Nous, signifier ! (Rire bref.) Ah elle est bonne !

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