Mots

Ce cadavre est exquis...

Mercredi 13 octobre 2010 à 22:40

http://mots.cowblog.fr/images/uburoi.jpg
Résumé : Nous sommes en Pologne où Ubu, ancien roi d'Aragon et capitaine des dragons, jouit d'une haute situation et de la faveur du roi. Mais sa femme, la Mère Ubu, n'est pas satisfaite de ce rang : elle aspire au trône et réussit à convaincre son mari en évoquant les 'andouilles' qu'il pourrait manger en s'enrichissant. Ubu décide alors de monter une conspiration avec le vaillant capitaine Bordure.

Mon avis : Livre lu en fin de première, avant le bac. Depuis le temps que j'entendais parler de cette pièce ! J'en avais étudié quelques extraits en français et en histoire des arts. Je trouvais ça assez marrant et anti-conformiste. Le personnage d'Ubu et sa démesure me faisaient rire. Je trouvais aussi intéressant la relation qu'entretenait ce personnage avec Shakespeare (Oui oui ! "Shakespeare" = "Shakes-pear" = "Remue-poire", d'où la forme de poire d'Ubu) et la pièce en elle-même avec Macbeth. J'ai donc emprunté le livre au CDI de mon lycée, j'en ai lu une bonne partie en cours de maths (ahah) et j'ai dû finir le livre en fin d'après-midi. Le début est vraiment marrant avec la psychologie ridicule d'Ubu et ses "merdre" à répétition. Puis très vite, cela devient lassant. En vérité, je ne me souviens même plus de la moitié de l'histoire : c'est dire si ça m'a intéressé ! Sinon, Ubu est un symbole de l'homme vil et stupide qui veut toujours plus, de l'homme cupide, avide de pouvoir et de puissance. Il personnifie une facette plus ou moins cachée en chacun de nous : c'est cela aussi qui fait la force de cette farce, car elle s'attaque à nous - ce principe n'est pas sans rappeler le docere placere de l'époque classique.
Conclusion : Une pièce sympathique à ne pas lire en une seule fois mais par petits bouts pour éviter la lassitude. L'histoire n'est pas passionnante, il faut plus voir la pièce comme pionnière du mouvement surréaliste et du théâtre de l'absurde pour y trouver de l'intérêt.
Ma note : 12/20.

Morceau choisi : III, 7

PERE UBU
Messieurs, la séance est ouverte et tâchez de bien écouter et de vous tenir tranquilles. D'abord, nous allons faire le chapitre des finances, ensuite nous parlerons d'un petit système que j'ai imaginé pour faire venir le beau temps et conjurer la pluie.

UN CONSEILLER
Fort bien, monsieur Ubu.

MERE UBU
Quel sot homme.

PERE UBU
Madame de ma merdre, garde à vous, car je ne souffrirai pas vos sottises. Je vous disais donc, messieurs, que les finances vont passablement. Un nombre considérable de chiens à bas de laine se répand chaque matin dans les rues et les salopins font merveille. De tout côtés on ne voit que des maisons brûlées et des gens pliant sous le poids de nos phynances.

LE CONSEILLER
Et les nouveaux impôts, monsieur Ubu, vont-ils bien?

MERE UBU
Point du tout. L'impôt sur les mariages n'a encore produit que 11 sous, et encore le Père Ubu poursuit les gens partout pour les forcer à se marier.

PERE UBU
Sabre à finances, corne de ma gidouille, madame la financière, j'ai des oneilles pour parler et vous une bouche pour m'entendre. (Eclats de rire.) Ou plutôt non! Vous me faites tromper et vous êtes cause que je suis bête! Mais, corne d'Ubu! (Un messager entre.) Allons, bon, qu'a-t-il encore celui-là? Va-t'en, sagouin, ou je te poche avec décollation et torsion des jambes.

MERE UBU
Ah! le voilà dehors, mais il y a une lettre.

PERE UBU
Lis-la. Je crois que je perds l'esprit ou que je ne sais pas lire. Dépêche-toi, bouffresque, ce doit être de Bordure.

MERE UBU
Tout justement. Il dit que le czar l'a accueilli très bien, qu'il va envahir tes Etats pour rétablir Bougrelas et que toi tu seras tué.

PERE UBU
Ho! ho! J'ai peur! J'ai peur! Ha! je pense mourir. O pauvre homme que je suis. Que devenir, grand Dieu? Ce méchant homme va me tuer. Saint Antoine et tout les saints, protégez-moi, je vous donnerai de la phynance et je brûlerai des cierges pour vous. Seigneur, que devenir?

Il pleure et sanglote.

MERE UBU
Il n'y a qu'un parti à prendre, Père Ubu.

PERE UBU
Lequel, mon amour?

MERE UBU
La guerre!!

TOUS
Vive Dieu! Voilà qui est noble!

PERE UBU
Oui, et je recevrai encore des coups.

PREMIER CONSEILLER
Courons, courons organiser l'armée.

DEUXIEME
Et réunir les vivres.

TROISIEME
Et préparer l'artillerie et les forteresses.

QUATRIEME
Et prendre l'argent pour les troupes.

PERE UBU
Ah! non, par exemple! Je vais te tuer, toi, je ne veux pas donner d'argent.

En voilà d'une autre! j'étais payé pour faire la guerre et maintenant il
faut la faire à mes dépens. Non, de par ma chandelle verte, faisons la
guerre, puisque vous en êtes enragés, mais ne déboursons pas un sou.

TOUS
Vive la guerre!

Vendredi 22 octobre 2010 à 16:00

http://mots.cowblog.fr/images/godot.jpg
Résumé : Deux vagabonds, Vladimir et Estragon, se retrouvent sur scène, dans un non-lieu (« Route de campagne avec arbre ») à la tombée de la nuit pour attendre « Godot ». Cet homme - qui ne viendra jamais - leur a promis qu'il viendrait au rendez-vous ; sans qu'on sache précisément ce qu'il est censé leur apporter, il représente un espoir de changement. En l'attendant, les deux amis tentent de trouver des occupations, des "distractions" pour que le temps passe.

Mon avis : Depuis le collège, cette pièce ou plutôt son titre m'intriguait. Un jour, j'ai eu l'envie de lire cette pièce dite absurde de Beckett, avant de lire Fin de partie du même auteur dans le cadre du cours de Littérature. Je voulais m'imprégner du style de l'auteur, acquérir quelque base sur le théâtre beckettien avant de l'aborder au lycée. J'ai bien fait ! Cette pièce est une très belle entrée dans l'univers de Beckett, pièce qui l'a rendu célèbre. Avec le recul, je peux même dire que j'ai presque adoré ! C'est à la fois bref, sensible, incompréhensible, cynique, vaporeux, émouvant, agressif, tragique, comique, répétitif... presques tous les qualificatifs peuvent lui être attribués. Cette pièce n'a aucun sens en soi. Et c'est bien là le souhait de Beckett (cf "Morceau choisi", ci-dessous). Pour apprécier la pièce, il faut la voir/lire telle qu'elle vient, la laisser venir à nous, la parcourir des yeux sans pour autant chercher à la comprendre. Cependant, chaque chose a un sens, même ce qui n'en a pas, en a ! Tout vient d'un cheminement de pensées ou d'actions. Alors, il est vrai que nous pouvons trouver un sens à cette pièce ("Godot" = "God" = "Dieu"), ou même psychanalyser Beckett à travers les échanges intersubjectifs de ses personnages, mais je ne pense pas que ce soit le but premier de la pièce. Ne cherchez pas le sens, il viendra tout seul à vous une fois la pièce finie.
Conclusion : Pièce classique de l'anti-théâtre, à voir ou à lire d'urgence !
Ma note : 16/20.

Morceau choisi : Quatrième de couverture, Lettre à Michel Polac, janvier 1952
« Vous me demandez mes idées sur En attendant Godot, dont vous me faites l'honneur de donner des extraits au Club d'essai, et en même temps mes idées sur le théâtre.
Je n'ai pas d'idées sur le théâtre. Je n'y connais rien. Je n'y vais pas. C'est admissible.
Ce qui l'est sans doute moins, c'est d'abord, dans ces conditions, d'écrire une pièce, et ensuite, l'ayant fait, de ne pas avoir d'idées sur elle non plus.
C'est malheureusement mon cas.
Il n'est pas donné à tous de pouvoir passer du monde qui s'ouvre sous la page à celui des profits et pertes, et retour, imperturbable, comme entre le turbin et le Café du Commerce.
Je ne sais pas plus sur cette pièce que celui qui arrive à la lire avec attention.
Je ne sais pas dans quel esprit je l'ai écrite.
Je ne sais pas plus sur les personnages que ce qu'ils disent, ce qu'ils font et ce qui leur arrive. De leur aspect j'ai dû indiquer le peu que j'ai pu entrevoir. Les chapeaux melon par exemple.
Je ne sais pas qui est Godot. Je ne sais même pas, surtout pas, s'il existe. Et je ne sais pas s'ils y croient ou non, les deux qui l'attendent.
Les deux autres qui passent vers la fin de chacun des deux actes, ça doit être pour rompre la monotonie.
Tout ce que j'ai pu savoir, je l'ai montré. Ce n'est pas beaucoup. Mais ça me suffit, et largement. Je dirai même que je me serais contenté de moins.
Quant à vouloir trouver à tout cela un sens plus large et plus élevé, à emporter après le spectacle, avec le programme et les esquimaux, je suis incapable d'en voir l'intérêt. Mais ce doit être possible.
Je n'y suis plus et je n'y serai plus jamais. Estragon, Vladimir, Pozzo, Lucky, leur temps et leur espace, je n'ai pu les connaître un peu que très loin du besoin de comprendre. Ils vous doivent des comptes peut-être. Qu'ils se débrouillent. Sans moi. Eux et moi nous sommes quittes ».

<< Page précédente | 1 | Page suivante >>

Créer un podcast