Mots

Ce cadavre est exquis...

Lundi 30 août 2010 à 16:30

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Quatrième de couverture : "J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres. Dans le bureau de mon grand-père, il y en avait partout ; défense était de les faire épousseter sauf une fois l'an, avant la rentrée d'octobre. Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les révérais, ces pierres levées : droites ou penchées, serrées comme des briques sur les rayons de la bibliothèque ou noblement espacées en allées de menhirs, je sentais que la prospérité de notre famille en dépendait..."

Mon avis : C'est le livre que j'ai étudié en classe dans le cadre de la séquence L'autobiographie. Je ne connaissais que très peu Jean-Paul Sartre avant, mais le personnage m'a beaucoup plus. J'aime sa philosophie existentielle et son train de vie légendaire avec Simone de Beauvoir, le "Castor". Cette autobiographie, qui pourrait aussi être qualifié d'essai, de roman et même d'apologue, m'a laissé une drôle d'impression. Je ne peux dire si j'ai aimé ou pas aimé. C'est intéressant et ce n'est pas présenté chronologiquement comme beaucoup d'autobiographies, mais dialectiquement sous forme de deux parties : "Lire" et "Ecrire". C'est un texte vraiment littéraire et ironique. Sartre y expose sa névrose littéraire avec beaucoup d'humour n'hésitant pas à se ridiculiser lui-même. Par contre, on ne peut lire ce livre d'une traite. Il y a des passages très indigestes et n'importe quelle situation exposée invite à la réflexion. Il y a aussi de nombreuses disgressions et anecdotes. Enfin, on peut dire que ce livre fait partie de sa longue "saga" qui expose et définie l'existentialisme athée dont Sartre est le chef de file. C'est un classique à lire même s'il peut être contraignant.
Conclusion : Une autobiographie très intéressante, mais lourde, qui nous permet de mieux connaître Sartre et son enfance.
Ma note : 14/20.

Morceau choisi : Mon passage préféré
« Pour m’assurer que l’espèce humaine me perpétuerait on convint « dans ma tête » qu’elle ne finirait pas. M’éteindre en elle, c’était naître et devenir infini mais si l’on émettait devant moi l’hypothèse qu’un cataclysme pût un jour détruire la planète, fût-ce dans cinquante mille ans, je m’épouvantais ! Aujourd’hui encore, désenchanté, je ne peux penser sans crainte au refroidissement du soleil : que mes congénères m’oublient au lendemain de mon enterrement, peu m’importe ! Tant qu’ils vivront je les hanterai, insaisissable, innommé, présent en chacun comme sont en moi les milliards de trépassés que j’ignore et que je préserve de l’anéantissement ; mais que l’Humanité vienne à disparaître, elle tuera ses morts pour de bon ! »

Mardi 31 août 2010 à 16:30

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Résumé : Garcin, révolutionnaire lâche et mari cruel : douze balles dans la peau ; Inès, femme démoniaque qui rendra folle de douleur sa jeune amante : asphyxie par le gaz ; Estelle, coquette sans coeur qui noie son enfant adultérin : pneumonie fulgurante. Morts, tous les trois. Mais le plus dur reste à faire. Ils ne se connaissent pas, et pourtant, ils se retrouvent dans un hideux salon dont on ne part jamais. Ils ont l'éternité pour faire connaissance : quelques heures leur suffiront pour comprendre qu'ils sont leurs bourreaux respectifs. "L'enfer, c'est les autres".

Mon avis : Bon bah c'est du Sartre ! Sûrement une de ses pièces les plus connues avec Les mains sales. Elle sert, comme toutes les oeuvres de Sartre, à illustrer la philosophie existentialiste athée. Dans celle-ci, Sartre prend comme thèmes la mort et l'éternité, mais ce n'est pas sur cela qu'il se propose d'insister : d'après ce que j'ai compris, il veut montrer qu'on ne vit qu'à travers le regard des autres. D'où le fameux "L'enfer c'est les autres", souvent mal compris. Jipé nous explique : "Mais « l'enfer c'est les autres » a été toujours mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c'était toujours des rapports infernaux. Or, c'est tout autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné, de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d'autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d'autrui et alors, en effet, je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu ils dépendent trop du jugement d'autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu'on ne puisse avoir d'autres rapports avec les autres, ça marque simplement l'importance capitale de tous les autres pour chacun de nous." Bon, on aime ou on n'aime pas. Moi j'aime. Cette pièce est courte, très compréhensible. Elle est sérieuse et drôle à la fois - rappelons que le premier but de Sartre était que cette pièce soit drôle, malheureusement pour lui, personne n'a ri pendant la première représentation. Les personnages (un lâche, une lesbienne et une mondaine) sont attachants malgré leur méchanceté. J'aime Sartre, sa philosophie et j'ai donc aimé cette pièce.
Conclusion : Une pièce "classique" du XXème siècle. À lire !
Ma note : 15/20.

Morceau choisi :
Le véritable enfer
"Alors c'est ça l'enfer. Je ne l'aurais jamais cru… Vous vous rappelez : le souffre, le bûcher, le gril.. Ah quelle plaisanterie. Pas besoin de gril, l'enfer c'est les autres."

Vendredi 22 octobre 2010 à 16:40

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Résumé : L'existentialisme est un humanisme est le texte d' une conférence que Sartre donna à Paris, le 29 octobre 1945. L' histoire de ce texte se comprend par les circonstances qui l'entourent. L'immédiat après-guerre, d'abord, et l'ahurissement devant ce qui venait de se passer au coeur de la civilisation, et les attaques subies par Sartre pour ses écrits, qualifiés, par beaucoup d' intellectuels, de "désespérants". On aurait préféré une définition de l'homme, en ces temps meurtris, plus positive et faite d'espérance pour l'avenir à reconstruire. Les chrétiens, outre la personnalité du philosophe et son athéisme, reprochaient aux héros sartriens leur désespoir et cet abandon ' la contingence. Les communistes, à leur tour, reprochaient à Sartre la primauté donnée (apparemment) au subjectivisme dans sa philosophie ! Sartre décide donc de s' expliquer et donne cette conférence.

Mon avis : J'avais déjà lu un livre de Sartre, son autobiographie Les Mots, et j'appréciais vraiment sa philosophie existentialiste. J'ai donc voulu approfondir mes connaissances en la matière. Ce tout petit livre ne m'a pas plus, j'ai trouvé les phrases inutilement compliquées. L'homme est liberté, la "mauvaise foi" etc. je connaissais et je n'ai rien appris de nouveau avec ce livre, si ce n'est que l'homme se construit avec les autres (thème présent dans Huis clos). Je suis plutôt déçu, je n'ai même pas eu la volonté de lire la partie "Discussion". J'ai également trouvé les exemples un peu légers, discutables (l'élève qui vient le voir par exemple). Je le relirai sûrement, tranquillement.
Conclusion : Un petit livre que je conseillerais aux néophytes mais qui est loin d'être indispensable (Sartre non plus n'aime pas ce texte, le trouve incomplet).
Ma note : 11/20.

Morceau choisi : Le premier principe de l'existentialisme athée
L'existentialisme athée [...] déclare que si Dieu n'existe pas, il y a au moins un être chez qui l'existence précède l'essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c'est l'homme ou, comme dit Heidegger, la réalité-humaine. Qu'est ce que signifie ici que l'existence précède l'essence? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. L'homme est non seulement tel qu'il se conçoit, mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence, l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait. Tel est le premier principe de l'existentialisme. C'est aussi ce qu'on appelle la subjectivité, et que l'on nous reproche sous ce nom même. Mais que voulons-nous dire par là, sinon que l'homme a une plus grande dignité que la pierre ou que la table ? Car nous voulons dire que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n'existe préalablement à ce projet ; rien n'est au ciel intelligible, et l'homme sera d'abord ce qu'il aura projeté d'être.

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