Mots

Ce cadavre est exquis...

Dimanche 29 août 2010 à 22:30

http://mots.cowblog.fr/images/VoltaireCandide.jpg
Résumé : Candide nous conte les mésaventures d'un voyageur philosophe qui affronte les horreurs de la guerre et les sanglants caprices de la Nature ; qui connaît les désillusions de l'amour et découvre les turpitudes de ses semblables, faisant à l'occasion l'expérience de leurs dangereuses fantaisies. Pourtant si l'homme est un bien méchant animal et si l'existence n'est qu'une cascade de catastrophes, est-ce une raison pour que le héros perde sa sérénité et le récit son allégresse ? Sous la forme d'une ironique fiction, Candide propose une réflexion souriante sur l'omniprésence de la déraison qui puise sa force aux sources vives d'une expérience humaine, celle de l'auteur. Candide, on l'a dit, ce sont les « Confessions » de Voltaire, et c'est en cela qu'il nous émeut.
Mais ce « roman d'apprentissage » est aussi - et peut-être surtout - un festival merveilleusement ordonné de drôlerie et de fantaisie sarcastique, ruisselant d'un immense savoir maîtrisé qui ne dédaigne jamais de porter le rire jusqu'au sublime. C'est en cela qu'il nous éblouit et qu'il nous charme.

Mon avis : C'est le premier livre que j'ai lu en première, dans la séquence Convaincre, persuader, délibérer. C'est également le premier livre dont je fais la critique sur ce blog. J'ai vraiment beaucoup aimé. Les personnages, l'intrigue principale, la morale, l'ironie voltairienne : tout m'a plu. C'est drôle et ça n'a presque pas vieilli. Depuis que j'ai lu ce livre, j'adore Voltaire. J'aime son insolence, sa verve et son combat contre l'obscurantisme religieux et les privilèges. Mon personnage préféré n'est pas Candide mais bien Pangloss : c'est le précepteur de Candide qui soutient la philosophie de l'allemand Leibniz. Durant tout le récit, il est ridiculisé et malmené, il attrape la syphilis, se fait pendre... J'ai cependant été déçu lorsque j'ai appris que Voltaire détenait des parts dans le commerce triangulaire (il attaque, dans ce conte, le système esclavagiste) mais cela ne retire rien à la fraîcheur et à la modernité de ce chef-d'oeuvre du XVIIIème siècle.
Conclusion : Une oeuvre incontournable qui mélange les genres littéraires avec brio. Un conte à lire d'urgence !
Ma note : 18/20.

Morceau choisi : La conclusion de Candide
« Pangloss disait quelquefois à Candide : « Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n'aviez pas été chassé d'un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l'amour de Mlle Cunégonde, si vous n'aviez pas été mis à l'Inquisition, si vous n'aviez pas couru l'Amérique à pied, si vous n'aviez pas donné un bon coup d'épée au baron, si vous n'aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d'Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches. -- Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. »

Lundi 30 août 2010 à 16:50

http://mots.cowblog.fr/images/CalvinoLebaron.jpg
Mon résumé : Italo Calvino est l'un des plus grands écrivains de la littérature italienne. il est l'auteur de nombreux romans, dont Les Villes invisibles, Si par une nuit d'hiver un voyageur, d'essais et d'articles. Les titres de ses oeuvres sont assez étranges et énigmatiques, c'est ce qui m'a intrigué et poussé à lire Le baron perché.
Le résumé sera assez court tout comme la vie de ce baron, puisque ce livre conte surtout des petites aventures, ou des anecdotes ayant rapport avec l'engagement de Côme Laverse du Rondeau, à savoir rester et vivre dans les arbres, et l'amour. Ce roman, écrit en 1957, raconte la vie au XVIIIème siècle d'un jeune aristocrate qui décide, suite à une dispute familiale, de grimper dans un arbre et de ne plus jamais en descendre pour prouver, d'une certaine façon, le vrai sens de la liberté et de l'intelligence. Il prend du recul sur la vie si conventionnelle qu'il menait jusqu'ici. Le point de vue externe est adopté, c'est son frère, plus sage, qui raconte l'histoire, cela permet aussi de laisser planer un doute quant à la véritable nature des histoires et agissements de Côme. En effet, le narrateur nous apprend qu'il nous raconte ce que son frère, lui-même, lui a conté. On peut penser que le baron perché a pu romancer ses aventures pour se donner du relief (on n'est pas un noble pour rien !) et pour donner envie à son frère de le rejoindre. La fin du baron m'a réellement surpris, c'est très bien trouver de la part de Calvino, et ne parlons même-pas des derniers mots du narrateur/écrivain, très touchants et très beaux.

Mon avis : Ce livre est très facile à lire, le style est travaillé sans pour autant être laborieux. On suit avec plaisir ce héros, vu par les yeux admirateurs de son frère, en quête d'idéal, bravant les injustices sociales et se rebellant contre la société : on pourrait parler d'un personnage romantique. Les références sont nombreuses, en matière de littérature, comme en matière d'histoire. Ainsi, le narrateur ira en France parler de son frère à... Voltaire ! assis dans son célèbre fauteuil accompagné de jeunes femmes, et Côme, du haut de son arbre adressera la parole à un Napoléon Bonaparte intrigué. Cette rencontre n'est d'ailleurs pas sans rappeler la rencontre de Diogène et d'Alexandre le Grand, à Côme et Napoléon eux-mêmes : "Si je n'eusse été l'empereur Napoléon, j'eusse bien voulu être le citoyen Côme Rondeau !" s'empresse de conclure Napoléon de sa rencontre. L'humour et les clins d'oeil sont donc bien présents.
Que peut-on alors reprocher à ce roman qui à première vue à l'air très bien ? Je vais vous répondre de façon directe : c'est l'ennui qu'on éprouve lorsqu'on lit les aventures du baron pendant les 19 premiers chapitres (ce livre compte en tout 30 chapitres ! donc 63% d'ennui !) Les anecdotes sont inintéressantes à souhait et on a vraiment du mal à s'attacher à ce héros un brin lunatique. J'ai même failli abandonner la lecture ! Par contre, et fort heureusement, à partir du vingtième chapitre, tout s'accélère, l'histoire devient vraiment intéressante et le baron, attachant. L'émotion s'intensifie aussi. Je divise donc ce livre en deux parties (très subjectives) : la première (chapitres 1 à 19), celle de la mise en situation, des anecdotes peu intéressantes et des rencontres diverses dans les arbres, et la seconde (chapitres 20 à 30), celle des émotions, de la nostalgie et de la fin du baron. Malgré tout, je pense que la première partie est "obligée" pour rentrer dans l'histoire et dans les aventures de ce drôle de héros, mais je n'ai pas du tout accroché.
Conclusion : Un livre charmant, léger et simple qui n'est pas si loin d'égaler Candide.
Ma note : 14/20.

Morceau choisi :
La fin du livre
« Ombreuse n’existe plus. Quand je regarde le ciel vide, je me demande si elle a vraiment existé. Ces découpes de branches et de feuilles, ces bifurcations ; ce ciel dont on ne voyait que des éclaboussures ou des pans irréguliers ; tout cela existait peut-être seulement pour que mon frère y circulât de son léger pas d’écureuil. C’était une broderie faite sur du néant, comme ce filet d’encre que je viens de laisser couler, page après page, bourré de ratures, de renvois, de pâtés nerveux, de taches, de lacunes, ce filet qui parfois égrène de gros pépins clairs, parfois se resserre en signes minuscules, en semis fins comme des points, tantôt revient sur lui-même, tantôt bifurque, tantôt assemble des grumeaux de phrase sur lit de feuille ou de nuages, qui achoppe, qui recommence aussitôt à s’entortiller et court, court, se déroule, pour envelopper une dernière grappe insensée de mots, d’idées de rêves — et c’est fini. »

Mardi 31 août 2010 à 2:20

http://mots.cowblog.fr/images/lingenucouv.jpg
Résumé : Que dire lorsqu'on voit débarquer sur une plage un Huron avec " de longs cheveux en tresses " qui vous parle français ? Hé bien l'assaillir de questions, comme le font un sympathique abbé breton et sa sœur, qui découvrent tout à coup qu'ils ont en face d'eux...
leur neveu ! Solide gaillard, habile raisonneur, homme sensible, ce Huron, nommé " l'Ingénu ", observe la France de Louis XIV et nous montre, par la naïveté de ses questions, les absurdités des querelles religieuses et les abus de la monarchie absolue. A la fois roman d'apprentissage et conte satirique, L'Ingénu demeure l'une des œuvres majeures de Voltaire.

Mon avis : Le deuxième plus grand conte philosophique de Voltaire. Le récit est court et simple, la lecture agréable. L'ironie voltairienne est bien présente. L'Ingénu est attachant : j'ai préféré l'Indien à l'Allemand. L'histoire n'a malgré tout presque rien à voir avec Candide. Alors que Candide est une succession d'actions, de personnages et de lieux, l'Ingénu se concentre sur les principaux personnages et leur psychologie. Un conte plus "posé" mais pas mou pour autant ! On retrouve avec plaisir la verve de Voltaire et son combat contre l'oppression. On pourrait rapprocher cette oeuvre des Lettres persanes de Montesquieu :  un étranger naïf découvrent les coutumes d'un pays. C'est une façon d'éviter la censure.
Conclusion : Un conte très agréable à lire où humour et émotion se croisent.
Ma note : 16/20.

Morceau choisi : Voltaire parodie une hagiographie
Un jour saint Dunstan, Irlandais de nation et saint de profession, partit d'Irlande sur une petite montagne qui vogua vers les côtes de France, et arriva par cette voiture à la baie de Saint−Malo. Quand il fut à bord, il donna la bénédiction à sa montagne, qui lui fit de profondes révérences, et s'en retourna en Irlande par le même chemin qu'elle était venue.
Dunstan fonda un petit prieuré dans ces quartiers−là, et lui donna le nom de prieuré de la Montagne, qu'il porte encore, comme un chacun sait.
En l'année 1689, le 15 juillet au soir, l'abbé de Kerkabon, prieur de Notre−Dame de la Montagne, se promenait sur le bord de la mer avec mademoiselle de Kerkabon, sa soeur, pour prendre le frais.

Lundi 6 septembre 2010 à 21:10

http://mots.cowblog.fr/images/9782035834140.jpg
Résumé : L'histoire se déroule à Ille, une petite ville du Roussillon. Le narrateur, un archéologue, s'y rend en compagnie d'un guide. Ils viennent y rencontrer M. de Peyrehorade, un antiquaire qui doit leur montrer des ruines antiques se trouvant dans la région. En chemin vers Ille, le guide informe le narrateur que M. de Peyrehorade s'apprête à marier son fils, Alphonse, avec Mlle de Puygarrig, une jeune fille fortunée de la région. Il lui indique également que l'antiquaire a découvert récemment, dans ses terres, une statue de Vénus qui date probablement de l'époque romaine. Cette statue inquiète : d'une part parce qu'elle a des yeux blancs angoissants, et d'autre part, parce qu'elle a déjà provoqué un accident : elle est tombée sur Jean Coll, l'un des ouvriers ayant participé à son exhumation, lui brisant la jambe à cette occasion.

Mon avis : J'ai dû lire ce livre vers la 3ème/2nde. Et j'en garde un bon souvenir. Ma critique ne sera pas longue car comme dit auparavant, il ne me reste de ce livre qu'un "souvenir". Mais lorsque je l'aurai relu, je posterai une critique plus conséquente. Si vous êtes vraiment intéressés, lisez cette nouvelle fantastique très courte : vous ne vous ennuierez absolument pas. Bien sûr le genre est spécial, c'est du fantastique : on ne sait dire si ce qui arrive dans le livre est la réalité ou la fiction. On se pose des questions. La Vénus est un classique du genre, avec Le Horla de Maupassant. Que doit-on choisir : explication rationnelle ou irrationnelle ? C'est à nous, lecteurs, de choisir. Mais bien souvent (et c'est ce qui fait le charme de ce genre de récit), l'écrivain ne donne pas assez d'éléments pour qu'on puisse affirmer que tout ce qui se passe est bien réel ou irréel. Le fantastique, c'est le doute. Pour revenir au livre, on peut dire que ce n'est pas une nouvelle pour les enfants. Il y a un meurtre et du mystère, beaucoup de suspense. C'est un peu un policier si l'on veut, un livre noir, un polar. C'est un livre très bien écrit par un passionné d'Histoire, on est vraiment immergé dans l'histoire du début à la fin (vous remarquerez l'antanaclase Histoire et histoire).
Conclusion : Une nouvelle fantastique réunissant tous les éléments d'un policier. Un récit bien construit, le récit n'est pas lourd du tout. À lire !
Ma note : 14/20.

http://mots.cowblog.fr/images/venus14.gif

Lundi 25 octobre 2010 à 18:30

http://mots.cowblog.fr/images/9782253057840G.jpg
Challenge ABC : 1er livre lu

Résumé : Sur un paquebot vont s’opposer deux champions d’échecs que tout sépare : le champion en titre, d’une origine modeste mais tacticien redoutable, et un aristocrate qui n’a pu pratiquer que mentalement, isolé dans une geôle privée pendant la répression nazie.

Mon avis : Cette petite nouvelle, lue dans le cadre du Challenge ABC, m'a beaucoup plu, contrairement à ce que je pensais. J'ai longtemps pratiqué les échecs, j'aime ce jeu, mais je pensais qu'un récit entièrement consacré à cela serait quelque peu ennuyeux. Il n'en est rien. Le récit va bien au-delà du jeu, il s'intéresse aux joueurs, à leur psychologie et à leur histoire. Les personnages sont intéressants et atypiques. L'action n'est pas intense, le récit est plutôt situé dans le passé. La fin est assez surprenante.
Conclusion : Une bonne surprise, une nouvelle émouvante et agréable à lire.
Ma note : 16/20.

Morceau choisi : Le narrateur est retenu - pour des raisons qui lui échappent - dans une chambre d'hôtel, sans aucune occupation. Il réussit à voler un livre dans la poche de son gardien : il s'agit d'un traité d'échecs.
Grâce au ciel, je m'avisai que mon drap de lit était grossièrement quadrillé. Plié avec soin, il finit par faire un damier de soixante-quatre cases. Je cachai alors le livre sous le matelas, après en avoir arraché la première page. Puis je prélevai un peu de mie sur ma ration de pain et j'y modelai des pièces, un roi, une reine, un fou et toutes les autres. Elles étaient bien informes, mais je parvins, non sans peine, à reproduire sur mon drap de lit quadrillé les positions que présentait le manuel. Néanmoins, lorsque je tentai de jouer une partie entière, j'échouai d'abord les premiers jours, à cause de mes ridicules pièces en mie de pain que j'embrouillais continuellement, parce que je n'avais pu mettre sur les "noires" que de la poussière en guise de peinture. Cinq fois, dix fois, vingt fois, je dus recommencer cette première partie. Mais qui au monde disposait de plus de temps que moi, dans cet esclavage où me tenait le néant, qui donc aurait pu être plus avide et plus patient? Au bout de six jours, je jouais déjà correctement cette partie; huit jours après, je n'avais plus besoin des pièces en mie de pain pour me représenter les positions respectives des adversaires sur l'échiquier. Huit jours encore, et je supprimais le drap quadrillé. Les signes a1, a2, c7, c8 qui m'avait paru si abstraits au début se concrétisaient à présent automatiquement dans ma tête en images visuelles. La transposition était complète : l'échiquier et ses pièces se projetaient dans mon esprit et les formules du livre y figuraient immédiatement des positions. J'étais comme un musicien exercé qui n'a qu'un coup d'œil à jeter sur une partition pour entendre aussitôt les thèmes et les harmonies qu'elle contient. Il me fallut encore quinze jours pour être en état de jouer de mémoire - ou, selon la formule consacrée, à l'aveugle - toutes les parties d'échecs exposées dans le traité; je compris alors quel inappréciable bienfait ce vol audacieux m'avait valu. Car j'avais maintenant une activité, absurde ou stérile si vous voulez, mais une activité tout de même, qui détruisait l'empire du néant sur mon âme. Je possédais, avec ces cent cinquante parties d'échecs, une arme merveilleuse contre l'étouffante monotonie de l'espace et du temps.

<< Page précédente | 1 | Page suivante >>

Créer un podcast