Mots

Ce cadavre est exquis...

Mardi 31 août 2010 à 1:30

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Mon résumé : Victor Hugo est un des plus célèbres écrivains français. Chef de file du courant romantique, il s'est battu toute sa vie contre les injustices et les inégalités de son temps. C'est ce qu'il fait ici, avec ce court roman.
Un homme a été condamné à la peine capitale. On ne sait pourquoi. On ne sait rien de cet homme que la justice va assassiner sinon qu'il est trop jeune pour mourir. Sa fille, son rayon de soleil, ne le reconnaît même plus. Ce livre nous entraîne dans la déchéance d'un homme qui nous fait partager ses sentiments, ses pensées et ses angoisses à travers un journal.

Mon avis : Malgré ses cent pages, ce roman est percutant. Ou du moins, devait l'être à, l'époque. En effet, nous ressentons tout ce que Hugo nous raconte et nous nous mettons à la place de ce pauvre homme. Quelle angoisse devait ressentir les condamnés à mort ! Néanmoins, pour accrocher tout à fait, il faut être sans cesse, à chaque parole, "dans" le roman. Donc inutile de lire ce livre à la plage : il est nécessaire d'être concentré pour ressentir sinon vous trouverez ce livre ridicule. Il faut aussi faire abstraction du fait que notre pays ait aboli la peine de mort et s'imaginer à cette époque ou dans un autre pays qui exécute encore ses prisonniers, sinon, là encore, le récit perd de son intérêt. Les descriptions sont quelques fois incompréhensibles et la fin est un peu bâclée malgré un suspense croissant durant tout le livre.
Conclusion : Un livre parfois contraignant mais qui mérite quand même, de par son aspect engagé et novateur, d'être lu.
Ma note : 13/20.

Morceau choisi : Le prologue
Condamné à mort !
Voilà cinq semaines que j'habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids !
Autrefois, car il me semble qu'il y a plutôt des années que des semaines, j'étais un homme comme un autre homme. Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée. Mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies. Il s'amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fin, brodant d'inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie. C'étaient des jeunes filles, de splendides chapes d'évêque, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers. C'était toujours fête dans mon imagination. Je pouvais penser à ce que je voulais, j'étais libre.
Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n'ai plus qu'une pensée, qu'une conviction, qu'une certitude : condamné à mort !

Mardi 31 août 2010 à 15:11

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Quatrième de couverture : «Au centre de la pièce, fixé à un chevalet droit, se dressait le portrait en pied d'un jeune homme d'une extraordinaire beauté physique, devant lequel, à peu de distance, se tenait assis le peintre lui-même, Basil Hallward, celui dont, il y a quelques années, la disparition soudaine a, sur le moment, tant ému le public et donné lieu à d'étranges conjectures.»
Or Dorian Gray, jeune dandy séducteur et mondain, a fait ce voeu insensé : garder toujours l'éclat de sa beauté, tandis que le visage peint sur la toile assumerait le fardeau de ses passions et de ses péchés. Et de fait, seul vieillit le portrait où se peint l'âme noire de Dorian qui, bien plus tard, dira au peintre : «Chacun de nous porte en soi le ciel et l'enfer.»
Et ce livre lui-même est double : il nous conduit dans un Londres lugubre et louche, noyé dans le brouillard et les vapeurs d'opium, mais nous ouvre également la comédie de salon des beaux quartiers. Lorsqu'il parut, en 1890, il fut considéré comme immoral. Mais sa singularité, bien plutôt, est d'être un roman réaliste, tout ensemble, et un roman d'esthète - fascinants, l'un et l'autre, d'une étrangeté qui touche au fantastique.

Mon avis : Tout le monde m'avait dit du bien de ce roman. C'est donc avec une certaine joie que j'ai commencé ce roman... et j'ai été globalement déçu. On peut diviser ce livre en deux parties non chronologiques : les descriptions assez rébarbatives mais nécessaires et la fiction en elle-même, intéressante, mais malgré tout moins présente. Je m'attendais vraiment à assister aux méfaits de Dorian grâce à telle ou telle anecdote, mais presque tout est passé sous silence. Seulement deux de ces nombreux méfaits sont détaillés et clairement exposés dans le récit. Le reste n'est qu'ellipse, descriptions et psychologie (j'exagère à peine). Beaucoup de longueurs : je me souviens d'un passage que j'ai trouvé particulièrement indigeste où l'auteur nous expose l'intérêt qu'éprouve Dorian envers les parfums, les pierres précieuses etc. C'est d'autant plus indigeste quand on apprend que quasiment tout ce passage a été copié sur d'autres livres ! Sinon, l'histoire est vraiment intéressante et originale : elle mêle le fantastique, le réalisme et l'esthétisme, car c'est véritablement un roman d'esthète. La réalité est embellie. Je n'ai pas aimé le personnage de Lord Henry, dit Harry, qui, pour moi est bien trop orgueilleux et égocentrique. Je l'ai trouvé détestable et je n'ai quasiment jamais été d'accord avec ses dictons ou autres axiomes. Je ne sais que penser d'Oscar Wilde après cette lecture, c'est pour cela que je vais bientôt lire quelques unes de ces nouvelles.
Conclusion : Je suis mitigé. Un roman, que beaucoup qualifieront de "chef-d'oeuvre", essentiellement axé sur la psychologie et les descriptions. J'ose à dire que c'est un roman assez "féminin" aux vus des thèmes abordés. À lire quand même !
Ma note : 13/20.

Morceau choisi : La première phrase d'un roman esthétique
«L'atelier était plein de l'odeur puissante des roses, et quand une légère brise d'été souffla parmi les arbres du jardin, il vint par la porte ouverte, la senteur lourde des lilas et le parfum plus subtil des églantiers.»

Jeudi 14 octobre 2010 à 23:00

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Mon résumé : Oran, ville d'Algérie à l'époque française, dans une réalité parallèle est envahie par la peste. La ville se ferme, les habitants sont prisonniers d'eux-mêmes. L'histoire nous est contée par un mystérieux narrateur qui adopte plusieurs point de vue. (Résumé sobre pour un récit sobre.)

Mon avis : J'avais entendu beaucoup de bien de ce roman et même d'Albert Camus en général. Mon avis est... mitigé. J'ai trouvé l'histoire exagérément longue fourmillant de détails que je trouve inutiles mais qui donnent, cependant, le réalisme désiré au roman. L'histoire est en effet présenté sous la forme d'un journal, d'une chronique, retraçant les différentes étapes de la peste. Le narrateur intervient cependant assez peu, il laisse parler l'histoire.
Nous suivons le Dr Rieux, un docteur humaniste qui, malgré son envie de vaincre la peste, est très calme et fataliste. Il est conscient que la peste est quelque chose qui le dépasse, cependant il refuse d'admettre que cela vient de Dieu comme le prétend le prêtre Paneloux. Son stoïcisme grandit avec la peste, on peut même le croire insensible : "On se fatigue de la pitié quand la pitié est inutile". Il reste malgré tout un personnage attachant, résistant, qui refuse de se voiler la face. Etant le protagoniste de l'histoire, on peut se demander si Rieux n'est pas Camus lui-même.
Le roman nous donne aussi à voir le carnet de bord de Tarrou, un homme mystérieux, second personnage principal, qui devient rapidement l'ami de Rieux. Au début, c'est un personnage très obscure, puis très vite, il devient attachant. Son histoire est émouvante : petit, son père, avocat, a condamné à mort un homme. Depuis, ce jour, traumatisé, il veut devenir un "saint". C'est pour cela qu'il entreprend la révolte contre la peste : en sauvant des vies, il compense la mort du condamné.
Rambert, lui, est un journaliste, enfermé contre son gré dans la ville maudite. Il est montré comme jeune, aimable et très impulsif. Il cherche par tous les moyens à sortir de la ville pour rejoindre sa femme. Lâcheté ou amour, la question se pose. Cependant, il devient très vite l'ami de Rieux et Tarrou et décide finalement de les rejoindre dans leur combat contre la peste (par dépit ?). Nous suivons aussi l'histoire de deux voisins, aux caractères opposés.
Grand est un homme assez timide et peu débrouillard. Il est "insignifiant". Il ne sait pas s'exprimer, il ne "trouve pas ses mots". Pour combattre ce défaut, il décide d'écrire un livre : durant tout le roman, il écrit et réécrit la première phrase en vain. Son combat, apparemment anecdotique à côté de celui contre la peste, le rend très attachant. Je dirais même que c'est mon personnage préféré, il apporte de l'humour et de la naïveté à un roman relativement sombre. La fameuse phrase (au début du roman et par la suite, maintes fois modifiée) : "Par une belle matinée du mois de mai, une élégante amazone parcourait, sur une superbe jument alezane, les allées fleuries du Bois de Boulogne." Le fait qu'il modifie sans cesse les adjectifs et les mots pour trouver les bons rappellent le travail de Flaubert qui pouvait passer plusieurs semaines pour trouver LE mot. Grand aide aussi Rieux et Tarrou dans leur combat.
Au début du roman, il sauve son voisin, Cottard (je l'aurais plutôt appelé Connard moi), qui voulait se pendre. Celui-ci est mêlé à une sombre affaire de je-ne-sais-plus-quoi avec la police. Persuadé de finir en prison, il avait préféré se donner la mort... jusqu'à ce que la peste s'emmêle. La police est, en effet, bien plus occupée et n'a pas le temps de régler des délits. La peste profite donc, seulement, pour Cottard, qui se réjouit de cette situation. Il incarne l'égoïsme qui préfère son propre intérêt à ceux de milliers d'autres. Malgré tout, il n'est pas inhumain et insensible. Il finira cependant mal...
Comme on peut le voir, ces personnages principaux représentent tous des valeurs, ils sont chacun l'allégorie d'un état d'esprit, d'une philosophie. On remarquera cependant l'absence de figure féminine dans le combat contre la peste, sûrement pour ne pas introduire la tentation charnelle dans un livre tout de même solennel. La femme n'est pas non plus absente, elle est évoquée pour faire naître la nostalgie et pour se poser des questions sur l'amour, l'oubli, le temps, l'éloignement... Par exemple, le femme de Rieux, décrite comme très faible, est dans un centre hors de la ville pour la guérir d'une maladie, Rieux est nostalgique mais essaie de ne pas se laisser aller, son absence il devra même la supporter après que la peste soit finie... Quant à Rambert, il aime sa femme, mais oublie son visage jusqu'à l'abstraction, ce qui fait naître chez lui une angoisse. Se pose alors la question de l'oubli.
Certains parlent de ce récit comme d'une allégorie du nazisme et de la résistance, je suis assez d'accord dans l'ensemble.
J'ai trouvé ce roman long, voire interminable. Plusieurs raisons à cela : les caractères sont minuscules, ce qui est assez fatiguant, et le récit est objectif, trop objectif. La chronique est une constatation de faits, on pourrait croire que l'histoire est écrite par un historien. Seuls quelques passages ont un caractère plus "humains", notamment avec Tarrou.
Conclusion : Un récit sombre qui explore l'âme humaine face à la mort. Je ne suis pas emballé mais je n'ai pas détesté non plus. J'aurais aimé un récit avec un peu plus de fantaisies et d'espoir. C'est intéressant de le lire avec l'allégorie du nazisme en tête : cela donne une nouvelle ouverture au texte.
Ma note : 13/20.

Morceau choisi : Penser

 Oui, ils avaient tous l'air de la méfiance. Puisqu'on les avait séparés des autres, ce n'était pas sans raison, et ils montraient le visage de ceux qui cherchent leurs raisons, et qui craignent. Chacun de ceux que Tarrou regardait avait l'œil inoccupé, tous avaient l'air de souffrir d'une sépara- tion très générale d'avec ce qui faisait leur vie. Et comme ils ne pouvaient pas toujours penser à la mort, ils ne pensaient à rien. Ils étaient en vacances. « Mais le pire, écrivait Tarrou, est qu'ils soient des oubliés et qu'ils le sachent. Ceux qui les connaissaient les ont oubliés parce qu'ils pensent à autre chose et c'est bien compréhensible. Quant à ceux qui les aiment, ils les ont oubliés aussi parce qu'ils doivent s'épuiser en démarches et en projets pour les faire sortir. A force de penser à cette sortie, ils ne pensent plus à ceux qu'il s'agit de faire sortir. Cela aussi est normal.
Et à la fin de tout, on s'aperçoit que personne n'est capable réellement de penser à personne, fût-ce dans le pire des malheurs. Car penser réellement à quelqu'un, c'est y penser minute après minute, sans être distrait par rien, ni les soins du ménage, ni la mouche qui vole, ni les repas, ni une démangeaison. Mais il y a toujours des mouches et des démangeaisons. C'est pourquoi la vie est difficile à vivre. Et ceux-ci le savent bien. »

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