Mots

Ce cadavre est exquis...

Vendredi 22 octobre 2010 à 16:40

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Résumé : L'existentialisme est un humanisme est le texte d' une conférence que Sartre donna à Paris, le 29 octobre 1945. L' histoire de ce texte se comprend par les circonstances qui l'entourent. L'immédiat après-guerre, d'abord, et l'ahurissement devant ce qui venait de se passer au coeur de la civilisation, et les attaques subies par Sartre pour ses écrits, qualifiés, par beaucoup d' intellectuels, de "désespérants". On aurait préféré une définition de l'homme, en ces temps meurtris, plus positive et faite d'espérance pour l'avenir à reconstruire. Les chrétiens, outre la personnalité du philosophe et son athéisme, reprochaient aux héros sartriens leur désespoir et cet abandon ' la contingence. Les communistes, à leur tour, reprochaient à Sartre la primauté donnée (apparemment) au subjectivisme dans sa philosophie ! Sartre décide donc de s' expliquer et donne cette conférence.

Mon avis : J'avais déjà lu un livre de Sartre, son autobiographie Les Mots, et j'appréciais vraiment sa philosophie existentialiste. J'ai donc voulu approfondir mes connaissances en la matière. Ce tout petit livre ne m'a pas plus, j'ai trouvé les phrases inutilement compliquées. L'homme est liberté, la "mauvaise foi" etc. je connaissais et je n'ai rien appris de nouveau avec ce livre, si ce n'est que l'homme se construit avec les autres (thème présent dans Huis clos). Je suis plutôt déçu, je n'ai même pas eu la volonté de lire la partie "Discussion". J'ai également trouvé les exemples un peu légers, discutables (l'élève qui vient le voir par exemple). Je le relirai sûrement, tranquillement.
Conclusion : Un petit livre que je conseillerais aux néophytes mais qui est loin d'être indispensable (Sartre non plus n'aime pas ce texte, le trouve incomplet).
Ma note : 11/20.

Morceau choisi : Le premier principe de l'existentialisme athée
L'existentialisme athée [...] déclare que si Dieu n'existe pas, il y a au moins un être chez qui l'existence précède l'essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c'est l'homme ou, comme dit Heidegger, la réalité-humaine. Qu'est ce que signifie ici que l'existence précède l'essence? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. L'homme est non seulement tel qu'il se conçoit, mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence, l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait. Tel est le premier principe de l'existentialisme. C'est aussi ce qu'on appelle la subjectivité, et que l'on nous reproche sous ce nom même. Mais que voulons-nous dire par là, sinon que l'homme a une plus grande dignité que la pierre ou que la table ? Car nous voulons dire que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n'existe préalablement à ce projet ; rien n'est au ciel intelligible, et l'homme sera d'abord ce qu'il aura projeté d'être.

Dimanche 24 octobre 2010 à 17:40

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Résumé : Exercices de style est l'un des ouvrages les plus célèbres de l'écrivain français Raymond Queneau. Paru en 1947, ce livre singulier raconte 99 fois la même histoire, de 99 façons différentes*.
L'histoire elle-même tient en quelques mots. Le narrateur rencontre dans un bus un jeune homme au long cou, coiffé d'un chapeau orné d'une tresse tenant lieu de ruban. Ce jeune homme échange quelques mots assez vifs avec un autre voyageur, puis va s'asseoir à une place devenue libre. Un peu plus tard, le narrateur revoit ce jeune homme qui est alors en train de discuter avec un ami. Celui-ci lui conseille de faire remonter le bouton supérieur de son pardessus.

Mon avis : J'ai trouvé cette petite lecture très agréable. On pourrait qualifier ce texte de manifeste du Oulipo, mouvement fondé en partie par Queneau. Le Oulipo, tout comme ce texte, explore et joue avec la langue française, d'où ce titre Exercices de style. Relire cette histoire 99 fois mais de 99 façons différentes*, c'est amusant, intéressant et cela nous montre combien la langue française est riche. Cela me donne envie de lire un autre livre de Queneau : Zazie dans le métro.
Conclusion : N'importe qui peut lire ce petit livre, très subtil et intriguant qui nous montre tout le génie de Queneau, maître de la manipulation des mots.
Ma note : 17/20.

Morceau choisi : Rêve
Il me semblait que tout fût brumeux et nacré autour de moi, avec des présences multiples et indistinctes, parmi lesquelles cependant se dessinait assez nettement la seule figure d'un homme jeune dont le cou trop long semblait annoncer déjà par lui-même le caractère à la fois lâche et rouspéteur du personnage.
Le ruban de son chapeau était remplacé par une ficelle tressée. Il se disputait ensuite avec un individu que je ne voyais pas, puis, comme pris de peur, il se jetait dans l'ombre d'un couloir.

Une autre partie du rêve me le montre marchant en plein soleil devant la gare Saint-Lazare. Il est avec un compagnon qui lui dit : "Tu devrais faire ajouter un bouton à ton pardessus."

Là-dessus, je m'éveillai.


* : Notations, En partie double, Litotes, Métaphoriquement, Rétrograde, Surprises, Rêve, Pronostications, Synchyses, L'arc-en-ciel, Logo-rallye, Hésitations, Précisions, Le côté subjectif, Autre subjectivité, Récit, Composition de mots, Négativités, Animiste, Anagrammes, Distinguo, Homéotéleutes, Lettre officielle, Prière d'insérer, Onomatopées, Analyse logique, Insistance, Ignorance, Passé indéfini, Présent, Passé simple, Imparfait, Alexandrins, Polyptotes, Aphérèses, Apocopes, Syncopes, Moi je, Exclamations, Alors, Ampoulé, Vulgaire, Interrogatoire, Comédie, Apartés, Paréchèses, Fantomatique, Philosophique, Apostrophe, Maladroit, Désinvolte, Partial, Sonnet, Olfactif, Gustatif, Tactile, Visuel, Auditif, Télégraphique, Ode, Permutations par groupes croissants de lettres, Permutations par groupes croissants de mots, Hellénismes, Ensembliste, Définitionnel, Tanka, Vers libres, Translation, Lipogramme, Anglicismes, Prosthèses, Épenthèses, Paragoges, Parties du discours, Métathèses, Par devant par derrière, Noms propres, Loucherbem, Javanais, Antonymique, Macaronique, Homophonique, Italianismes, Poor lay Zanglay, Contre-petteries, Botanique, Médical, Injurieux, Gastronomique, Zoologique, Impuissant, Modern style, Probabiliste, Portrait, Géométrique, Paysan, Interjections, Précieux, Inattendu.

Lundi 25 octobre 2010 à 12:10

http://mots.cowblog.fr/images/9782253057284G.jpgRésumé : Le Banquet (en grec ancien Συμπόσιον, Sumpósion) est un texte de Platon écrit aux environs de 380 avant J.-C. Il est constitué principalement d’une longue série de discours portant sur la nature et les qualités de l’amour (eros). Tò sumpósion en grec est traduit traditionnellement par le Banquet ; ce terme désigne ce que l'on appelle aujourd'hui une « réception », une fête mondaine dans laquelle on boit généralement plus qu'on ne mange.

Mon avis : Ce texte est sûrement le texte philosophique le plus connu au monde. En bon littéraire, je me devais de lire cette oeuvre clé de la pensée antique. J'ai trouvé ce petit texte intéressant et assez facile à lire dans l'ensemble. Il y a de bonnes idées sur l'amour, mais la plupart sont désuètes. La philosophie est très subjective : je n'adhère pas à l'idéalisme platonicien. Néanmoins, ce texte mythique a le mérite de ne pas se prendre au sérieux : l'humour est très présent dans le texte contrairement à ce que l'on pourrait croire. De plus, le récit est enchassé : on apprend l'histoire du Banquet d'Apollodore qui tient lui-même l'histoire d'Aristodème. Platon peut ainsi s'autoriser quelques défaillances, ou modifications. Dans ce texte, la maïeutique de Socrate n'est pas vraiment présente, il faudra lire un autre livre de Platon pour la découvrir !
Conclusion : Un texte fondateur de la philosophie occidentale à lire au moins une fois dans sa vie.
Ma note : 14/20.

Morceau choisi : Le discours d'Aristophane, le mythe des Androgynes
Autrefois la nature humaine n’était pas ce qu’elle est maintenant ; elle était bien différente. D’abord il y avait trois genres, et non deux comme maintenant, un mâle et une femelle ; s’y ajoutait un troisième genre qui participait des deux autres - dont l’appellation a subsisté - mais qui a lui-même disparu : il y avait un genre androgyne, dont l’aspect et le nom participait à la fois des deux autres [...]. Par ailleurs la forme de chaque homme était entièrement ronde, avec un dos arrondi et des côtes circulaires, avec quatre mains, autant de jambes et deux visages sur un cou d’une rondeur parfaitement régulière, mais une seule tête sous les deux visages regardant en sens opposés ; avec quatre oreilles, et deux sexes [...]. Ils étaient doués d’une force et d’une vigueur prodigieuse et d’une grande présomption. Ils s’en prirent aux dieux [...]. Après s’être torturé l’esprit, Zeus déclara : « Je crois tenir le moyen pour qu’il y ait encore des hommes et pour mettre en même temps fin à leur impudence : c’est qu’ils deviennent plus faibles. Je vais donc les séparer en deux [...]. » Sur ces mots il coupa les hommes en deux [...]. Ainsi leur corps était divisé en deux ; chacun alors, regrettant sa moitié, la rejoignait ; et ils se jetaient dans les bras les uns des autres et s’entrelaçaient dans le désir de s’unir, de ne plus faire qu’un ; ils mouraient de faim et généralement d’inanition, parce qu’il ne pouvaient rien faire les uns sans les autres [...]. Pris de pitié Zeus inventa un nouvel expédient : il déplaça sur le devant les organes génitaux ; car jusque-là ils les portaient derrière [...] il leur permit de s’engendrer les uns dans les autres [...]. C’est donc depuis cette lointaine époque que l’amour des uns pour les autres est inné chez les hommes, qu’il ramène l’unité de notre nature primitive, et entreprend de faire un seul être de deux et de guérir la nature humaine. Ainsi chacun de nous est le complément d’un être humain, pour avoir été coupé, comme les carrelets, et d’un, être devenu deux. Chacun ne cesse alors de chercher son complément [...] chaque fois que le hasard lui fait rencontrer cette moitié de lui-même, alors l’amoureux [...] est saisi - ô prodige ! - d’un sentiment d’amitié, de familiarité, d’amour ; ils ne veulent pour ainsi dire plus se séparer, fût-ce un instant [...]. Par l’union et la fusion avec son bien-aimé, de deux [l’amoureux désire] ne devenir qu’un.

Lundi 25 octobre 2010 à 18:30

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Challenge ABC : 1er livre lu

Résumé : Sur un paquebot vont s’opposer deux champions d’échecs que tout sépare : le champion en titre, d’une origine modeste mais tacticien redoutable, et un aristocrate qui n’a pu pratiquer que mentalement, isolé dans une geôle privée pendant la répression nazie.

Mon avis : Cette petite nouvelle, lue dans le cadre du Challenge ABC, m'a beaucoup plu, contrairement à ce que je pensais. J'ai longtemps pratiqué les échecs, j'aime ce jeu, mais je pensais qu'un récit entièrement consacré à cela serait quelque peu ennuyeux. Il n'en est rien. Le récit va bien au-delà du jeu, il s'intéresse aux joueurs, à leur psychologie et à leur histoire. Les personnages sont intéressants et atypiques. L'action n'est pas intense, le récit est plutôt situé dans le passé. La fin est assez surprenante.
Conclusion : Une bonne surprise, une nouvelle émouvante et agréable à lire.
Ma note : 16/20.

Morceau choisi : Le narrateur est retenu - pour des raisons qui lui échappent - dans une chambre d'hôtel, sans aucune occupation. Il réussit à voler un livre dans la poche de son gardien : il s'agit d'un traité d'échecs.
Grâce au ciel, je m'avisai que mon drap de lit était grossièrement quadrillé. Plié avec soin, il finit par faire un damier de soixante-quatre cases. Je cachai alors le livre sous le matelas, après en avoir arraché la première page. Puis je prélevai un peu de mie sur ma ration de pain et j'y modelai des pièces, un roi, une reine, un fou et toutes les autres. Elles étaient bien informes, mais je parvins, non sans peine, à reproduire sur mon drap de lit quadrillé les positions que présentait le manuel. Néanmoins, lorsque je tentai de jouer une partie entière, j'échouai d'abord les premiers jours, à cause de mes ridicules pièces en mie de pain que j'embrouillais continuellement, parce que je n'avais pu mettre sur les "noires" que de la poussière en guise de peinture. Cinq fois, dix fois, vingt fois, je dus recommencer cette première partie. Mais qui au monde disposait de plus de temps que moi, dans cet esclavage où me tenait le néant, qui donc aurait pu être plus avide et plus patient? Au bout de six jours, je jouais déjà correctement cette partie; huit jours après, je n'avais plus besoin des pièces en mie de pain pour me représenter les positions respectives des adversaires sur l'échiquier. Huit jours encore, et je supprimais le drap quadrillé. Les signes a1, a2, c7, c8 qui m'avait paru si abstraits au début se concrétisaient à présent automatiquement dans ma tête en images visuelles. La transposition était complète : l'échiquier et ses pièces se projetaient dans mon esprit et les formules du livre y figuraient immédiatement des positions. J'étais comme un musicien exercé qui n'a qu'un coup d'œil à jeter sur une partition pour entendre aussitôt les thèmes et les harmonies qu'elle contient. Il me fallut encore quinze jours pour être en état de jouer de mémoire - ou, selon la formule consacrée, à l'aveugle - toutes les parties d'échecs exposées dans le traité; je compris alors quel inappréciable bienfait ce vol audacieux m'avait valu. Car j'avais maintenant une activité, absurde ou stérile si vous voulez, mais une activité tout de même, qui détruisait l'empire du néant sur mon âme. Je possédais, avec ces cent cinquante parties d'échecs, une arme merveilleuse contre l'étouffante monotonie de l'espace et du temps.

Mardi 7 décembre 2010 à 15:30

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Résumé : Au début des années 1990, la narratrice est embauchée par Yumimoto, une puissante firme japonaise. Elle va découvrir à ses dépens l’implacable rigueur de l’autorité d’entreprise, en même temps que les codes de conduite, incompréhensibles au profane, qui gouvernent la vie sociale au pays du Soleil levant.
D’erreurs en maladresses et en échecs, commence alors pour elle, comme dans un mauvais rêve, la descente inexorable dans les degrés de la hiérarchie, jusqu’au rang de surveillante des toilettes, celui de l’humiliation dernière. Une course absurde vers l’abîme – image de la vie –, où l’humour percutant d’Amélie Nothomb fait mouche à chaque ligne.
Entre le rire et l’angoisse, cette satire des nouveaux despotismes aux échos kafkaïens a conquis un immense public et valu à l’auteur d’Hygiène de l’assassin le Grand Prix du roman de l’Académie française en 1999.

Mon avis : Mon deuxième Nothomb. Comme vous le savez, je n'avais pas aimé Métaphysique des tubes. Là, c'est le contraire, j'ai totalement adhéré. Le cynisme est très présent mais Amélie est plus touchante. [à compléter]

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